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Les précurseurs aux missions d’atterrissages:
Construire avec l’expérience

Droit d'auteur © 1995 par Eric M. Jones.
Traduction française droit d'auteur © 2010 par René et Lorraine Cantin.
Tous droits réservés.
Dernière mise à jour 24 Septembre 2010.

C’est certain que le succès des atterrissages des missions Apollo est dû en grande partie aux leçons apprises et aux expériences acquises des missions non habitées et habitées qui les ont précédés. Les vaisseaux spatiaux robotisés comme les Ranger et Lunar Orbiter ont fourni des images agrandies de qualité pour les cartes de la surface lunaire, et puis en commençant par Luna 9 russe en 1966 et continuant jusqu’aux  séries Surveyor (PDF 31 Mo) de la même année, des atterrisseurs doux qui ont déterminé la substance chimique, mécanique, et les propriétés que les couches de surface peuvent supporter et, aussi, fournir des vues de cratères parsemés de roches au niveau du sol lunaire. Et, pendant cette même période, les vols Mercury et Gemini ont été utilisés pour développer une partie des connaissances opérationnelles nécessaires à l’exploitation des vols lunaires habités.

Mercury et Gemini : Apprendre la base sur orbite

Dans les premières années de l’ère spatiale, de prudents planificateurs avaient exigé des vols de démonstration sans pilote pour prouver que les humains pourraient survivre, au moins, les rigueurs des vols spatiaux. Mais après quelques lancements, incluant des chiens et des primates, il ne fallut que peu de temps avant que les astronautes de Mercury et Gemini puissent démontrer qu’ils pouvaient contrôler et manœuvrer un vaisseau spatial et, en plus, pourraient effectuer les manœuvres critiques nécessaires pour un rendez-vous et un amarrage avec une cible passive.

Tel que mentionné précédemment, le délai serré que Kennedy avait établi pour la réalisation du premier atterrissage lunaire a dicté le choix de conception d’avoir un astronaute dans le Module de commande et de service en orbite lunaire, tandis qu’un équipage de deux hommes manœuvrerait le LM vers la surface. Ce choix réduisit au minimum la quantité de masse qui devait être lancée depuis la Terre et, en effet, pour toute autre sorte de mission, la NASA aurait été confrontée au choix de, soit de concevoir un plus gros lanceur que la Saturn V ou de faire de multiples lancements de Saturn V pour accomplir une même mission. Aucune de ces solutions n’était vraiment acceptable et, finalement, la NASA a réalisé que c’est seulement avec un choix de conception d’une combinaison ‒CSM/LM‒ qu’elle pourrait relever le défi de Kennedy. Toutefois, le choix signifiait aussi que, lorsqu’un équipage du LM décollerait de la Lune, ils feraient un rendez-vous et s’amarrerait avec le CSM et, même si les études théoriques de rendez-vous orbital étaient assez bien développées, il a fallu dix missions du programme Gemini pour prouver que cela pouvait être fait. Parmi les dix équipages de Gemini, six équipages ont eu des cibles de rendez-vous disponibles sur orbite et six rendez-vous ont été effectués avec succès. Les membres d’équipage de Gemini 11 ‒Pete Conrad et Dick Gordon ‒ ont même été en mesure de faire un rendez-vous et de s’amarrer avec leur cible au cours de leur première orbite autour de la Terre.

Le programme Gemini a fourni les occasions de se préparer pour Apollo et également pour d’autres choses. Les équipages de Gemini 5 et 7 ont passé huit et quatorze jours dans l’espace respectivement, et bien qu’ils aient demeuré dans un espace plus restreint que les équipages d’Apollo, ils ont prouvé hors de tout doute qu’il n’y avait pas de barrières physiologiques ou opérationnelles pour mener une mission lunaire de dix jours. Cinq des astronautes Gemini se sont aventurés à l’extérieur de leur vaisseau spatial et, quand ils essayaient de travailler avec acharnement, ils ont découvert que le système de refroidissement d’air utilisé dans leurs costumes Gemini n’allait pas être approprié pour Apollo. Un astronaute assis à l’intérieur d’une capsule exigüe ne pouvait tout simplement pas travailler assez fort pour que son corps génère beaucoup de chaleur, et par conséquent, pourrait rester frais par l’oxygène qui circule à travers sa combinaison. Mais lorsqu’il était à l’extérieur et fléchissait les bras et les jambes contre la pression interne de sa combinaison, la charge de chaleur supplémentaire excédait rapidement le flux d’air de refroidissement du système. Il fallait un système qui éliminerait l’excès de chaleur, et à la suite de l’expérience Gemini, la NASA et ses sous-traitants ont mis au point un système à refroidissement d’eau circulant dans des tubes tissés en un sous-vêtement porté sur la peau de l’astronaute.

Apollo 7 et 8 : Piloter le Module de commande

Bien que la plupart des travaux de conception pour Gemini et Apollo aient été réalisés par des équipes indépendantes, les deux programmes utilisaient des caractéristiques de conception qui avaient été testées durant Mercury et ont été validées plus tard lors des vols Gemini. À bien des égards, le Module de commande Apollo était un grand cousin complexe de Mercury et des capsules Gemini. Il a été conçu pour le vol orbital et le retour sur Terre. Comme ses prédécesseurs, il était équipé d’un bouclier thermique émoussé pour protéger à la fois le vaisseau et l’équipage à l’intérieur lors d’une flamboyante descente finale à travers l’atmosphère terrestre, plongeant vers un amerrissage dans l’océan. Ce n’est peut-être pas surprenant, que le Module de commande a été la première pièce majeure du matériel de vol Apollo prête pour les essais en vol.

Le premier équipage d’essai en vol a été retardé de vingt mois en raison de l’incendie tragique  d’Apollo 1 sur la rampe de lancement qui a coûté la vie à  Gus Grissom, Roger Chaffee, et Ed White en janvier 1967. En octobre 1968 toutefois, la conception du CSM a été modifiée pour éliminer les risques d’incendie - et intégrer un certain nombre d’améliorations essentielles. L’équipage d’Apollo 7‒Wally Schirra, Donn Eisele et Walter Cunningham ‒met le CSM à l’épreuve en orbite basse autour de la Terre. Deux mois plus tard, l’équipage d’Apollo 8 (Frank Borman, Bill Anders, et Jim Lovell) fait un voyage épique à la période de Noël sur orbite lunaire. En partie, ils ont accompli ce voyage à la Lune ‒ sautant les essais du CSM/LM sur orbite terrestre basse et haute ‒ pour la simple raison que l’avancement du LM était en retard de cinq mois du reste du programme et il n’y avait pas un LM prêt à voler. Et, plus important encore, en septembre et novembre les Russes avaient envoyé, sans pilote le vaisseau spatial Zond autour de la Lune ‒ mais pas en orbite lunaire ‒ puis les avaient ramenés sur Terre. Les missions Zond étaient généralement considérées comme les précurseurs d’une mission orbitale habitée et, dans une large mesure, Apollo 8 a été effectué afin de prévenir une première Russe, qui aurait considérablement diminué l’impact psychologique de l’arrivée du premier atterrissage. Cependant, mise à part la politique mondiale, Apollo 8 a également fourni une très bonne occasion de démontrer les procédures de contrôle de vol à une distance lunaire. Il a donné à la NASA une expérience essentielle dans le suivi d’un vaisseau spatial sur orbite autour de la Lune et a également fourni une occasion d’élargir la couverture photographique des sites potentiels d’atterrissage. Cela a été une grande remontée de confiance pour toute l’équipe d’Apollo, et elle a été partagée avec une audience internationale de centaines de millions de personnes. Peu de ceux qui ont été témoins de cela n’oublieront jamais la lecture de la Genèse par l’équipage la veille de Noël accompagnée par les images télévisées de la surface lunaire passant en dessous d’eux. Et, il y avait aussi les photos de l’équipage ramenées à la maison, les images saisissantes d’une Grosse Bille Bleue, notre planète Terre, s’élevant au-dessus du limbe de la Lune. C’était un avant-goût de plusieurs autres moments superbes et de photos encore à venir.




Apollo 9 : Vérification du LM

En mars 1969, un LM était enfin prêt pour un vol d’essai habité en orbite terrestre.  L’équipage de ce vol ‒ Jim McDivitt, Dave Scott et Rusty Schweickart – avait à l’origine été prévu pour voler sur Apollo 8, cette mission était prévue pour un test du LM sur orbite terrestre basse. En raison des retards dans le développement du LM et le changement dans les plans de la mission Apollo 8, McDivitt choisit de changer de place avec Borman et son équipage. McDivitt s’était entraîné pour le vol du premier LM depuis très longtemps et il ne voulait pas y renoncer.

Le LM n’était comme aucun autre véhicule qui n’ait jamais été piloté. C’était comme une nouvelle sorte de bête, et ce n’est peut-être pas étonnant qu’il ait été la dernière pièce majeure du matériel Apollo à être prêt pour des essais en vol. C’était un véhicule à deux étages, un étage pour la descente de l’orbite lunaire à l’atterrissage, et l’autre pour le retour de la surface. Parce que le LM n’aurait jamais à voler de lui-même à travers l’atmosphère terrestre, il n’avait pas besoin d’une structure résistante ou une forme aérodynamique comme le CSM. Ce que le LM devait être était d’être léger et fiable et, bien que la NASA ait testé avec succès les systèmes de propulsion et de guidage au cours d’un vol sur orbite terrestre non habité en janvier 1968, c’était un excès de poids et autres problèmes de conception qui ont retardé le premier test habité. Il n’y avait pas de place dans le budget de poids pour l’élégance et, en effet, chaque kilo qui pouvant être éliminé du vaisseau spatial donnerait à l’équipage un autre dixième de seconde ou plus pour trouver une aire d’atterrissage en toute sécurité, une demi-heure à passer sur la Lune, ou l’opportunité de ramener sur Terre quelques échantillons de plus d’une grande valeur. La recherche d’économies de poids et des améliorations de performance du moteur ont continué pratiquement jusqu'à la fin d’Apollo et la récompense n’était pas seulement une série de missions impeccables du LM ‒neuf d’entre elles en tout ‒ mais aussi une augmentation spectaculaire de la productivité à chaque vol subséquent.

En raison de l’échéancier serré que Kennedy avait fixé, les dernières répétitions de la mission d’alunissage sont venues dans un ordre d’idée rapide. Comme le matériel est devenu disponible pour les essais en vol, il a été immédiatement mis en service. Au cours de Mercury, la NASA a effectué un vol à la moyenne d’une fois aux quatre mois, puis, au cours de Gemini, a augmenté le taux à un tous les deux mois. Mais, pendant que chacune des équipes a construit sur les succès de leurs prédécesseurs, à aucun moment au cours de Mercury ou de Gemini autant de nouveaux équipements ou de nouvelles procédures ne furent attaquées de front aussi rapidement que durant Apollo. À trois mois d’intervalle, les équipages d’Apollo faisaient de grands progrès sur la route de la surface lunaire et ce fut un mélange de détermination, de ressources abondantes de conception et d’essai, et aussi une bonne dose de chance qui a rendu tout cela possible. 



L’équipe d’Apollo a fait de son mieux pour s’assurer que les équipements et procédures fonctionneraient dès le début une fois essayé en vol, et les succès des séries d’essais non habités et d’Apollo 7 et Apollo 8 se sont poursuivis sans relâche dans la dernière année de la décennie. Pour la première fois, sur Apollo 9, un équipage a effectué la délicate manœuvre de séparer le Module de commande de la Saturn V, puis de s’éloigner et de se retourner pour s’amarrer au LM arrimé à la Saturn, et le détacher de celle-ci. Au deuxième jour du vol, ils ont mis à feu le gros moteur du Module de service, comme les équipages feront plus tard pour se placer sur orbite lunaire, et tester le lien entre les deux engins spatiaux. Au troisième jour, dans ce qui allait se révéler avoir été une répétition pour le sauvetage d’Apollo 13, ils font un test de mise à feu du Moteur de descente du LM pendant six minutes tout en continuant à quai avec le Module de commande. Au quatrième jour, Schweickart passe près d’une heure à l’extérieur sur la passerelle du LM, testant le PLSS (Système de Survie portable) le sac à dos que les équipages à la surface lunaire porteraient. Et puis, enfin, au cinquième jour de la mission, McDivitt et Schweickart se détachent du CSM et mettent à feu le Moteur de descente pour se propulser sur une orbite plus haute autour de la Terre. Cela a été de près une simulation d’une descente à la Lune qui pouvait être effectué sur orbite terrestre et une fois la manœuvre terminée, McDivitt a mis à feu le Moteur de descente pour une troisième et dernière fois en positionnant le LM pour une ascension simulée à un retour sur orbite lunaire. Alors, tout ce qui restait à faire était de larguer l’Étage de descente et de mettre à feu le Moteur de remontée pour un rendez-vous avec Dave Scott. Tout s’est parfaitement déroulé. 



Apollo 10 : La répétition finale

L’équipage d’Apollo 9 a démontrer le bon fonctionnement de tous les composants majeurs d’Apollo, cependant les marges d’erreur étaient très étroites pour la mission du premier atterrissage et, une fois de plus, c’était le problème de poids du LM qui a obligé un changement de programme. L’équipage d’Apollo 10 était formé du Commandant Tom Stafford, du Pilote du Module de commande John Young, et du Pilote du Module lunaire Gene Cernan. Une photo de la NASA  S69-32613 montre, de gauche à droite, Cernan, Stafford et Young. Lorsque leur sélection a été annoncée le 13 novembre 1968, le communiqué de presse de la NASA énumère les possibilités des missions allant « d’une opération sur orbite terrestre à un vol orbital lunaire. » Cependant, Gene Cernan dit qu’il y avait toujours la possibilité que le destin pourrait leur donner le premier atterrissage, et ce n’est que le 24 mars ‒ onze jours après l’amerrissage d’Apollo 9 ‒ que le directeur du programme Apollo, le Général Sam Phillips, a décidé qu’Apollo 10 serait piloté comme une mission de répétition sur orbite lunaire.

Un atterrissage lunaire était un engagement complexe et, même si les procédures avaient été examinées et pratiquées de nombreuses fois dans les simulations, il y avait rien de tel que d’aller sur orbite lunaire et ensuite voler presque jusqu’à la surface pour s’assurer que tout ‒ les systèmes de propulsion, de guidage radar et les systèmes de communications ‒ était prêt pour l’atterrissage. Plus de vingt ans après le fait, Jack Schmitt dit qu’il ne doute pas qu’une répétition générale finale ait été pilotée, peu importe sa signification en termes de respecter l’échéance de Kennedy. Toutefois, dans son excellent livre, Carrying the Fire, Michael Collins affirme que, si elle avait été sa décision, il aurait retardé Apollo 10 jusqu’à ce qu’un LM soit prêt à voler pour un atterrissage par Stafford et Cernan. Certes, il y avait de nombreuses discussions et des débats avant qu’une décision sans appel soit prise pour voler une dernière répétition. 


Selon Gene Cernan, «Quand j’ai été assigné à Apollo 10, je me souviens de Stafford me dire : “ Tu sais, cela dépend de la façon dont le matériel va voler, nous pouvons être les premiers gars à débarquer sur la Lune. ” Et nous avons pris ce vol ne sachant pas si nous le ferions ou pas. Apollo 10 n’a pas été conçu pour être une répétition générale jusqu’à ce que le LM‒5 ait commencé à avoir des problèmes. Le LM‒5 était le plus léger qui aurait volé sur Apollo 10 si Apollo 8 n’avait pas volé sans l’un des LM et qui finalement a volé sur Apollo11. Il était au moins deux mois en retard et c’est à ce moment-là qu’il y avait des discussions comme “ Devons nous attendre pour le LM et permettre Apollo 10 de faire le reste du chemin jusqu'à la surface de la Lune? Après tout, si nous allons prendre le risque d’un lancement et d’un TLI, et voler un quart de millions de milles, et de descendre tous près au-dessus de la surface, pourquoi ne pas prendre le reste des risques et atterrir. Attendons pour le LM qui va être en mesure de le faire. ” Et l’autre théorie était “ Eh bien, allons-y étape par étape. Passons à travers de tous ces risques, mais ne prenons tout simplement pas le '' grand risque'' de les faire poser à la surface.” Et nous, l’équipage, était en discussions - Stafford en particulier - de quelle direction cela devrait nous emmenez. Et je pense que la tendance de Tom, une fois le LM‒5 en retard et l’opportunité d’aller sur Apollo 10 étaient venues, il a pensé que c’était la chose à faire. Tom n’était pas aussi désireux d’être le premier sur la Lune. Il ne l’a jamais regardé de cette façon. Il voulait faire ce qui était la meilleure chose à faire pour avoir un programme coordonné et planifié. Et quand il s’est impliqué dans ces discussions, je pense qu’il avait tendance à convenir avec les personnes qui ont dit “ Allons à la Lune, mais n’atterrissons pas. ”»

Le lancement de Stafford, Young et Cernan a été effectué le 18 mai 1969 et, après avoir passé quelques heures sur orbite terrestre à vérifier tous les systèmes du vaisseau spatial, ils ont mis à feu le moteur du troisième étage de la fusée Saturn V pour les envoyer vers la Lune. Comme pour Apollo 8, ils ont volé sur ce qui est connu comme une trajectoire ″ de retour garanti ″ celle qui les mènerait vers l’arrière de la Lune et ensuite, si le moteur du Module de service ne s’allume pas, directement vers la Terre. Toutefois, comme ce fut pour l’ensemble des missions Apollo, le moteur du Module de service a fonctionné parfaitement. Alors que l’équipage passe sur le côté caché de la Lune, filant à seulement 60 milles nautiques (110 kilomètres) au-dessus du centre de la face cachée de la Lune, ils ont mis à feu le moteur pendant environ quatre minutes et se sont mis sur orbite lunaire. Vingt minutes plus tard, ils sont apparus sur le limbe Est de la Lune et ont retrouvé le contact radio avec la Terre. Le moment de leur réapparition a été tout ce qu’il fallait pour confirmer qu’ils étaient sur l’orbite prévue.

Durant les heures à venir, Stafford et Cernan ont vérifié le LM. Puis, après une nuit de repos, ils se sont séparés de John Young (Module de commande) et, au-dessus du côté caché, ont mis à feu le Moteur de Descente pendant trente secondes pour se mettre sur une orbite qui les mènerait au plus bas à 47 000 pieds, à une distance de 300 milles à l’Est du futur site d’atterrissage de la mission Apollo 11. Comme ils approchaient du point au plus bas de leur orbite, ils se sont assez rapprochés du sol pour vérifier le radar du LM et examiner visuellement la zone au cas où cela aurait été nécessaire comme site alternatif pour le premier atterrissage. Alors, plutôt que de mettre à feu le Moteur de descente contre leur mouvement vers l’avant pour un atterrissage, ils l’ont mis à feu dans la direction opposée et se sont propulsés sur une nouvelle orbite qui les amènerait à 190 milles nautiques au-dessus de la face cachée puis redescendraient pour une dernière passe, cette fois-ci au-dessus du site prévu d’Apollo 11.

Deux heures plus tard, à la fin d’une autre orbite lunaire, Stafford et Cernan étaient prêts à répéter les manœuvres de remontée et de rendez-vous. Encore une fois en survolant de très bas le Sud-ouest de la mer de la Tranquillité, ils ont largué l’Étage de descente et ont mis à feu le Moteur de remontée pendant environ 15 secondes et, peu après, ont fait un rendez-vous parfait avec John Young. Presque tout s’est déroulé parfaitement. Il y a eu un moment d’inquiétude à la séparation quand l’Étage de remontée s’est mis à tournoyer et à tanguer. En fait ce qui s’est passé, un commutateur de commande pour les petites fusées d’appoint de pilotage a été mal réglé et il a fallu à Stafford huit secondes pour reprendre le contrôle de l’engin spatial et puis mettre à feu le Moteur de remontée.



« J’ai vu l’horizon lunaire passer environ sept ou huit fois en dix secondes », dit Cernan. « C’est une expérience terrifiante. C’est alors que j’ai dit : “ Putain de merde, qu’est-ce qui s’est passé? ” »



« Maintenant, cette histoire s’applique à certaines choses qu’il vaut la peine d’y entrer en profondeur dont nous allons parler plus tard. Bien que j’aie été le pilote du Module lunaire d’Apollo 10, j’étais fier de moi de pouvoir piloter le Module de commande. Pas aussi bien que John Young, parce que je ne comprenais pas tous les systèmes en profondeur comme lui. Mais je me suis entraîné dans les simulateurs du Module de commande, en particulier pour le rendez-vous, et j’ai certainement compris comment le faire fonctionner. C’était dans ma nature de le faire. Je voulais savoir ce que John faisait de sorte que, si nous avions un problème, je voudrais comprendre quel était son problème et je saurais quel était notre problème. Et dans les simulateurs du Module lunaire, je volais parfois sur le siège1 de gauche, juste pour savoir ce que Tom faisait. J’avais volé avec Tom avant, donc je le connaissais assez bien. Je sais très bien comment il agit et réagit. Et je sentais que je connaissais très bien le Module lunaire des deux côtés, y compris le maniement du PGNS (Système de Guidage et de Navigation primaire, prononcée - pings -), mieux que quiconque. J’ai également eu la responsabilité de l’exploitation de l’AGS (Système de Guidage d’Interruption, prononcé - ags -). Et plusieurs fois sur Apollo 10, j’ai eu à manœuvrer le PGNS ainsi que l’AGS.»

« Au meilleur de mes souvenirs c’est ce qui s’est passé à bord d’Apollo 10: Lorsque nous avons eu séparation (entre l’Étage de remontée et l’Étage de descente du LM), il y avait un certain nombre de choses que nous avions à faire, y compris le changement des programmes dans le PGNS et le changement de position des commutateurs. Tard à ce stade, vingt-cinq ans après ce qui s’est passé, ni Tom ou moi ne pouvons en être sûr, mais quand est venu le temps de la séparation, certains changements de programme ont clignotés sur (écran d’affichage) le PGNS et je l’ai reconnu de mon siège de droite - où ils y avaient quelques commutateurs, en fait, le commutateur du Mode de contrôle de l’AGS, qui devait être changé, et je l’ai changé. Et je serais prêt à parier que, si nous pouvions recréer ce moment dans l’histoire ‒ et je pense que Tom dirait la même chose ‒ je mets le commutateur dans la nouvelle position et Tom a continué et il l’a remis à l’ancienne position. Son action a été de déplacer le commutateur. Je l’avais déjà fait pour lui. Mais il ne savait pas et, quand il a déplacé le commutateur, il l’a juste déplacé là où il était auparavant. Et, en fait, nous avons créé le problème.»



« Lorsque le vaisseau a commencé à tournoyer, aucun d’entre nous n’a réalisé ce que l’autre avait fait. Et alors nous avons cherché le logiciel défectueux, nous avons regardé pour des propulseurs bloqués, nous avons examiné toutes sortes de choses. C’est arrivé juste au moment de la séparation et mon Dieu! Ça n’a pas été un moment apathique, cela a été un moment d’alerte. Et nous avons fait quelques mouvements giratoires effrénés (taux maximum du mouvement était de 19 degrés par seconde en tangage et plus de 25 degrés par seconde en lacet et roulis). Je crois que Tom l’a probablement amorti en moins de vingt secondes (en fait, dans les huit secondes de la séparation). Assez rapide. Il a extrêmement bien manœuvré. Mais c’est peut-être un domaine que nous n’avons pas assez pratiqué. Et j’allais à travers les procédures et j’ai déplacé le commutateur. Et je ne me souviens pas si j’aurais dû le faire ou non. Et c’est ce qui s’est passé. »

« Maintenant, ce problème ne pouvait pas et ne saurait pas survenu à la surface lunaire, car, si nous avions été prêts à nous séparer à la surface lunaire, nous aurions examiné tous les commutateurs. Nous étions très méticuleux. Sur Apollo 17, nous étions prêts de 30 minutes à une heure à l’avance. Nous avons passé à travers la liste de vérification plus d’une fois. Nous avons vérifié tous les commutateurs. Alors, ce problème n’était pas pertinent pour la séparation à la surface. Mais, quand nous sommes arrivés à Apollo 17, il y avait une ligne invisible du côté droit du PGNS et j’ai dit à Jack : “ Ne jamais ‒ ne jamais, jamais, jamais, jamais, jamais, jamais rien toucher à la gauche de cette ligne, à moins que je le sache ” et la raison pour laquelle j’ai dit cela c’est parce que j’étais de son côté autrefois et j’ai touché un commutateur. Tom et moi opérions un peu plus indépendamment, plus que Jack et moi, et je ne voulais pas que Jack me devance en bougeant un commutateur et que la même chose nous arrive comme c’est arrivé à Tom et moi. Et cela a été ma règle non écrite. Et ça n’avait rien à voir avec les habiletés de Jack, parce que Jack connaissait l’ordinateur, il connaissait les systèmes. Il était un excellent pilote du Module lunaire. C’était juste que, au moment des actions prises et la réaction des gens essayant de s’aider mutuellement, ils ne peuvent plus s’aider les uns les autres. Comme sur Apollo 10. Et la règle était : “ Jack, ne touchez à rien à gauche du bord droit du PGNS. ” Et cela a parfaitement fonctionné. »



Une fois que Stafford et Cernan ont repris le contrôle du LM, ils ont mis à feu le Moteur de remontée et, deux orbites plus tard, accomplissaient un rendez-vous et amarraient avec Young dans le Module de commande. Une autre orbite plus tard, après que Stafford et Cernan soient de retour en sécurité dans le Module de commande, ils larguaient le LM, puis avec une dernière mise à feu du moteur, Houston l’a envoyé sur orbite solaire.

Après une bonne nuit de sommeil et une journée en orbite pour faire de la localisation de point de repère, l’équipage d’Apollo 10 s’est dirigé vers la Terre. Bien que l’équipage d’Apollo 10 ait rencontré des problèmes lors de cette mission, ils ont été le genre de problèmes qui, inévitablement, frappe les vols d’essai. Le point important pour cette mission est qu’il n’y a pas eu d’évènements malheureux, et le résultat net de la répétition d’Apollo 10 a été que la scène était maintenant prête pour un essai d’atterrissage avec Apollo 11. 


1  « Siège de gauche » est une expression du pilote. Il n’y avait pas de siège dans le Module lunaire.


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